Le feu de ses passions by Donaldson Stephen R

Auteur:Donaldson, Stephen R. [Donaldson, Stephen R.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy
Éditeur: Presses de la Cité
Publié: 1995-03-31T22:00:00+00:00

10 Un lieu de mort

Le vent s’entêtait à souffler du sud – non plus violemment, mais sans relâche, et porteur de froid, courant entre les arbres et sur la terre comme un jet continu de petits cristaux glacés – et l’armée d’Orison marchait au cœur de ce souffle éprouvant. Au début, les hommes avaient fait preuve d’une gaieté débordante quand la nouvelle avait couru dans les rangs que le Prince Kragen et ses troupes allaient à Esmerel au lieu d’assiéger le château ; puis lentement l’humeur de la soldatesque s’était rembrunie, endolorie, au souffle d’un vent qui érodait l’espoir, contraignait hommes et bêtes à baisser la tête. La bise coupante piquait les yeux, agaçait la peau là où déjà harnais ou cottes de mailles creusaient par frottement leur sillon ; elle s’engouffrait dans les manteaux, brûlait les poumons, déchirait les tympans. Lorsque le Tor et ses forces eurent franchi le Gué de la Rivière Vineuse et s’arrêtèrent pour dresser leur premier campement, ils avaient perdu tout l’optimisme qu’ils avaient emporté du Demesne. L’esprit abattu, rongée par l’inquiétude, l’armée s’installa dos au vent, se replia sur elle-même et maudit le froid.

Les hommes déjà avaient l’air vaincus.

Pourtant, d’après les estimations de Norge, ils avaient pris quatre miles d’avance sur Alend.

— Cela m’inquiète, murmura le Tor.

Maître Barsonage et les autres Imageurs avaient choisi une clairière pour déballer leurs miroirs.

— Je ne souhaite pas plus être séparé du Prince… que je ne souhaite l’attendre.

Norge haussa les épaules, comme on remue légèrement dans le sommeil.

— Ils transportent tous leurs vivres, équipement, couchages, tentes… tout ce dont ils ont besoin. Ils font déjà un bel effort pour nous suivre. Si le Prince Kragen essaie de leur faire garder ce rythme demain, il en laissera plus d’un au bord du chemin.

— Et cela ne profitera à personne, se tourmenta le Tor. Maître Barsonage ! appela-t-il aussitôt.

— Seigneur Tor ? fit le médiateur.

— Dites-moi si je me trompe. Ce soir, vous allez translater ce dont nous avons besoin depuis Orison. Et demain, avant de reprendre la route, vous retournerez tout au château pour la journée ?

Maître Barsonage acquiesça. Il était impatient de se mettre à l’œuvre. L’un des trois miroirs du Congrégat destiné à l’intendance était sien.

Le Tor le garda un moment dans l’expectative, puis s’expliqua :

— Je gage qu’Alend transporte assez de vivres et d’eau pour huit ou dix jours, dit-il enfin. Si leurs vivres étaient ajoutés aux nôtres, seriez-vous en mesure d’assurer les translations nécessaires ?

— Seigneur, vous suggérez une addition considérable. L’Imagerie est toujours coûteuse. Et nous n’avons que trois miroirs.

— Je comprends, rétorqua rudement le Tor. Pouvez-vous le faire ?

Maître Barsonage regarda le sol.

— Nous pouvons le tenter.

— Bien, conclut le Seigneur. Gouverneur Norge ?

— Seigneur Tor ?

— Envoyez un message au Prince. Dites-lui que je souhaite m’entretenir avec lui… d’urgence… au sujet de son intendance.

— Bien, Seigneur Tor.

S’il avait le moindre doute quant aux idées du Tor, Norge n’en montra rien. Il donna les ordres nécessaires à l’un de ses capitaines.

Marmonnant, Maître Barsonage retourna à son travail.

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